En août 1975, Christine R. embarquait à bord d’un minibus au 40 rue de la Montagne-Sainte-Geneviève Paris 5e. Direction le Maroc après une traversée de la France, de l’Espagne et de la Méditerranée sur près de 2000 km. Avec ce petit groupe, elle fut l’une des premières clientes de Nomade Aventure, baptisée alors Nomade Expéditions. À l’occasion des 50 ans de Nomade, elle a accepté de se replonger dans ses souvenirs de jeunesse en racontant ce qui fut son tout premier voyage d’aventure, à une époque où le tourisme d’aventure n’en était qu’à ses balbutiements.
Émergence du tourisme d’aventure dans les années 70…
Héritier d’une longue histoire où les écrivains-aventuriers et missionnaires sillonnaient les rivières, défrichaient la terre et découvraient des contrées vierges, le tourisme d’aventure commence à émerger dans les années 1970, comme une alternative au tourisme de masse. Il offre alors aux voyageurs en quête d’authenticité, la possibilité d’explorer des territoires préservés, loin des sentiers battus et d’expérimenter un pan de l’aventure humaine tout en renonçant aux standards de confort. Ce type de voyage, mêlant exploration, lien avec la nature, immersion culturelle, et parfois défis physiques, séduit une nouvelle génération avide d’évasion et de rencontres. Inspiré par ce vent de liberté, c’est ainsi que Jack Bollet, jeune diplômé de sciences économiques, passionné de géographie, de nature et de peuples, crée en France en 1975 l'association loi 1901 Nomade Expéditions, posant les fondations de ce qui deviendra Nomade Aventure. Cette année-là, il organise un premier voyage : un tour de la Scandinavie en minibus de Paris jusqu’au cap Nord.
Témoignage de Christine, aventurière de la première heure au Maroc
Dès la première année, Nomade Expéditions fait voyager 220 personnes, dont 90 au Maroc, avec l’objectif de voir du pays, de s’ouvrir à d’autres cultures, de rencontrer les peuples de ce monde, d’aller au cœur de la nature, et de vivre des expériences de voyage mémorables.
Parmi elles, Christine R., jeune périgourdine de 19 ans : « J’ai découvert Nomade grâce à une publicité dans le Nouvel Obs. Elle était toute petite, même pas une pleine page couleur, noyée au milieu des petites annonces ». Avec l’accord de ses parents, elle s’inscrit sur un circuit en Grèce en petit groupe durant les deux premières semaines d’août. Faute de participants, Nomade est contraint d’annuler ce voyage 10 jours avant le départ mais lui propose de partir à la place au Maroc : « Mon but, c’était de partir de toute façon donc pas de problème pour moi, allons au Maroc ! » nous relate-t-elle avec enthousiasme. « Je situais le pays mais je ne connaissais pas du tout, je n’avais jamais voyagé à part dans les pays limitrophes de la France, ou en Bretagne où on avait l’habitude de partir en vacances avec ma famille » ajoute-t-elle.
Sans avoir reçu beaucoup d’informations sur l’itinéraire, et sans trop se poser de questions, elle retrouve le petit groupe d’une dizaine de personnes, encadré par un chauffeur-accompagnateur, le jour du départ devant l’agence Nomade, située déjà à l’époque au 40 rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, dans le 5e à Paris : « Je suis arrivée quelques heures avant, je me souviens être allée au Jardin du Luxembourg pour attendre l’heure du départ sur un banc. Puis, j’ai fait connaissance avec les membres du groupe en montant dans le minibus (un Ford Transit 15 Seaters Diesel acheté l’année d’avant en Angleterre). On avait tous entre 20 et 30 ans. J’ai tissé des liens avec une autre jeune femme de mon âge, d’origine bretonne, Françoise qu’on appelait Soizic, et il y avait aussi un garçon Karim qui venait de la même ville que moi. Quant au chauffeur, il était très sympa, cool, cool, cool ». C’est donc dans cette ambiance très décontractée, que l’aventure avec un grand « A » a démarré…
Un périple mémorable : des pavés du Panthéon aux dunes de Zagora…
Depuis Paris, la capitale, s’ensuit alors un long parcours de plus de 2000 km, soit deux jours de voyage, sur les routes de France et d’Espagne, avec la traversée en ferry de la Méditerranée via le détroit de Gibraltar pour débarquer à Ceuta, enclave espagnole située sur le continent africain en face de la péninsule Ibérique : « Nous avons fait un arrêt interminable à Ceuta pour passer la douane et franchir la frontière marocaine » se remémore-t-elle. Puis, les portes du Maroc se sont ouvertes… Sous la chaleur écrasante de l’été (plus de 40°C par endroit), le minibus a filé vers Fès, Meknès, Marrakech, Ouarzazate, Zagora, la porte d’entrée de l'erg Chegaga, l’un des deux grands ergs du Sahara marocain, jusqu’à la vallée du Drâa, nichée en plein pays berbère, au sud du Maroc, avec ses gorges « juste magnifiques, qui doivent toujours l’être j’imagine » commente Christine.
Au programme, la visite des cités impériales (Fès, Meknès, Marrakech), anciennes capitales des dynasties idrisside, almoravide, almohade, mérinide, saadienne et alaouite, avec leurs vestiges millénaires, médinas, kasbahs et souks animés. Sans oublier quelques virées en Jeep dans le désert à travers ses dunes ocre qui ondulent à l’infini.
Souvenirs, souvenirs et anecdotes de voyage
Au fil des étapes, tous ces magnifiques paysages qui défilent marqueront la jeune femme qui n’hésitera pas à monter sur le toit du minibus, parmi les valises, pour les contempler plus aisément, cheveux blonds au vent : « Il n’y avait pas la clim’ à l’époque, donc je suis montée sur le toit, je m’accrochais aux bagages et on roulait comme ça des kilomètres, c’était un peu de l’inconscience mais j’avais moins chaud ». Tandis que dans l’habitacle du véhicule, Christine laissait vagabonder son esprit au rythme de la musique diffusée par l’autoradio : « Je dansais, je me promenais sur la musique, j’ai un super souvenir de ça ! ».
Christine se remémore aussi leurs conditions de voyage, la logistique minimaliste, les nuits à la belle étoile en camping principalement : « On dormait à même le sol, alignés les uns à côté des autres. Je me rappelle d’un matin dans le désert où on s’est réveillés à côté d’un troupeau de chèvres avec le gardien qui les gardait et qui nous gardait en même temps » ou sur le toit-terrasse d’une maison, chez l’habitant, à Zagora : « On avait 3 millions d’étoiles au-dessus de la tête, c’était merveilleux ». Il y avait aussi la préparation des repas, en mode tambouille fait maison, où tout le monde mettait main à la pâte : « On faisait un peu tous la cuisine, on mangeait tous les jours des œufs, avec des oignons et des tomates, une sorte d’omelette typique du Maroc, c’était délicieux » décrit Christine en faisant sans doute référence à la chakchouka, une spécialité culinaire des pays du Maghreb.
Elle se souvient aussi d’avoir célébré ses 20 ans à Fès : « Avec la bande, nous sommes partis danser en discothèque, je me suis beaucoup amusée, et je suis rentrée tard dans la nuit au camping après tout le monde » et d’y avoir visité ses célèbres tanneries antiques comme celle de Chouara, vieille de près de 1000 ans. Elle conserve un bon souvenir des balades dans les souks, notamment de la rencontre avec un généreux commerçant marocain : « Comme on m’avait volé mon argent, le monsieur très aimable pour compenser cette perte, m’a dit de prendre ce que je voulais sur son étal, gratuitement ».
Enfin, Christine se rappelle avec amusement son insouciance et sa méconnaissance des traditions vestimentaires locales : « Comme à la base, j’étais censée partir au soleil en Grèce, j’étais habillée en short et t-shirt. J’avais 20 ans, je n’avais pas tout ce que j’ai dans la tête maintenant, je n’avais pas une grande idée de la culture musulmane. Et puis, j’étais très blonde, je ne passais pas inaperçue ».
Retour vers le futur : le voyage d’aventure d’hier à aujourd’hui…
Ce premier voyage a véritablement marqué sa vie de jeune adulte : « Le fait d’avoir rencontré des gens d’horizons différents, d’avoir goûté à l’aventure et d’avoir ressenti un fort sentiment de liberté, c’était merveilleux. Quand je suis revenue, j’avais l’impression d’avoir changé, d’avoir découvert un peu la vie » nous confie-t-elle avant de nous partager son ressenti sur la manière dont on voyage aujourd’hui et l’évolution du tourisme d’aventure : « Le voyage maintenant, c’est devenu tellement plus facile mais à la fois plus difficile. Plus facile, car on accède plus rapidement aux informations sur internet, on peut tout faire. Et plus difficile, car le monde est compliqué, plus dangereux, il y a pas mal d’endroits où on ne peut plus aller ou alors il y a trop de monde partout. La vraie aventure, je ne sais pas si ça existe toujours ».
C’est bien ce à quoi continue d’œuvrer Nomade Aventure depuis 50 ans : en proposant de voyager à contre-courant, hors des sentiers battus, loin des foules, de façon responsable, à la découverte de terres confidentielles comme le Timor Oriental, les îles Féroé, Djibouti, Rodrigues, le Nicaragua, le Salvador, la Géorgie, la Bosnie… ou des activités et thématiques originales (comme l’astronomie et l’espace), avec toujours des valeurs bien ancrées chez Nomade depuis ses origines qui sont le respect, la solidarité, la transparence et la qualité.