Emilie est rédactrice chez Nomade Aventure depuis 2 ans. Passionnée de biodiversité et de faune marine, elle est partie en juin dernier en mission d’éco-volontariat avec l’association Cybelle Planète. À bord du voilier, « Le Diapason », pendant 5 jours, elle a sillonné le Sanctuaire Pelagos en mer Méditerranée pour y observer et étudier les mammifères marins. Elle nous raconte ici cette fabuleuse expérience collective, au plus près des « Moby Dick », qui conjugue pleinement voyage et respect de l’environnement.
1) Pourquoi avoir participé à cette mission d’éco-volontariat ?
Depuis quelques années déjà, je m’intéresse à la protection de l’environnement et celle des espèces marines. J’ai appris à les apprécier lors de mes voyages en bord de mer en France ou à travers le monde, et ne plus en avoir peur, en 2005, à mes 18 ans, lorsque j’ai passé mon PADI niveau 1 de plongée à Porquerolles. C’est pourquoi il y a 10 ans, souhaitant œuvrer bénévolement pour leur protection, j’ai participé à ma première mission d’éco-volontariat. Avec d’autres volontaires provenant du monde entier et l’association grecque Archelon, nous nous occupions, sur l’île de Zakynthos, de la sauvegarde des tortues Caretta caretta (ou tortues caouannes) dont les sites de ponte sont nombreux en Grèce ainsi que de la sensibilisation de cette espèce aux touristes de l’île. J’y ai passé un mois cet été-là et cela m’a beaucoup plus. Par la suite, j’ai vécu 10 mois sur l’île de La Réunion où j’ai pu observer en bateau quelques baleines à bosse venant se reproduire dans les eaux réunionnaises. J’ai été fascinée par ces gracieuses créatures et j’avais envie d’en connaître davantage sur ces espèces de mammifère qui ont tant à nous apprendre sur leur façon de communiquer. Aussi, un peu plus tard, j’ai recherché sur internet des associations qui emmènent des bénévoles les étudier et les observer. Et je suis tombée sur Cybelle Planète, une petite association française d’écologie participative, fondée en 2005.
D’autre part, travaillant dans le monde du tourisme depuis une dizaine d’années (et chez Nomade Aventure depuis 2 ans), j’avais à cœur de concilier mon goût pour le voyage avec la protection de la nature. Même si ce n’est pas à proprement parler du tourisme, cette mission participative se rapproche, par certains aspects, de l’univers du voyage et de l’aventure, et des engagements pris par Nomade sur le respect de la vie animale et des mammifères marins lors de sorties en mer organisées pour nos clients. Et je suis d’autant plus sensible à cette cause qu’en travaillant dans ce secteur, j’ai pu observer les effets directs du tourisme sur l’environnement (positifs comme négatifs). Enfin, dans une autre vie (ou peut-être un jour celle-ci), je serais bien devenue biologiste marin.
2) Quelles sont les actions menées par Cybelle Planète ?
Cybelle Planète est une association d'écologie participative. Son objet est de favoriser la participation citoyenne à des programmes de recherche ou de conservation de la biodiversité (animale, végétale, culturelle, humaine...). Elle propose de nombreuses missions d’éco-volontariat à travers le monde en lien avec de petites structures locales qui participent à la préservation de certaines espèces animales ou végétales. En France, Céline Arnal, la directrice et fondatrice de Cybelle Planète, docteur en sciences spécialisée dans l’écologie marine et le comportement animal, a développé en 2009 un programme de sciences participatives en mer Méditerranée, Cybelle Méditerranée, pour le suivi de la faune du large dans le Sanctuaire Pelagos : cétacés, tortues, poissons, raies et requins… En 2015, Cybelle Planète s’est associée au GECC (Groupe d’Études des Cétacés du Cotentin) pour co-développer l’application « OBSenMER » pour faciliter la collecte de données en mer.
3) Comment s’est déroulée ta mission en Méditerranée ?
Au départ du port de Hyères, durant une petite semaine du 12 au 18 juin 2021, à bord d’un spacieux voilier de 4 cabines, nous étions 6 éco-volontaires filles entre 24 et 75 ans, encadrées par Céline Arnal (la directrice de l’association), une éco-guide Lucie Kessler (en mission de service civique) et un skipper (qui assurait la navigation et notre sécurité à bord). La météo était très clémente, nous avons pu traverser la Méditerranée et le Sanctuaire Pelagos jusqu’à Calvi en Corse et revenir. Durant ces 4 jours de voyage, nous devions scruter la mer quotidiennement, en équipe de 3 personnes (environ 4h à 6h d’observation par volontaire en roulement) à la proue du bateau et répertorier sur l’application « OBSenMER » (mode « Experts »), tout ce que nous apercevions dans notre champ de vision en les géolocalisant : cétacés, poissons, oiseaux pélagiques, macro plancton, méduses, et également tout ce qui se réfère à l’activité humaine (déchets plastiques, bateaux...). Préalablement, le premier jour de la mission, Céline nous a briefé sur le fonctionnement de l’application sur la tablette, les différentes espèces marines que nous serions susceptibles de croiser, et notre comportement à adopter lorsque nous les rencontrerions. Lors de ces observations, il fallait également toutes les 30 minutes faire un point « Météo » (direction du vent, force du vent, état de la mer, force de la houle, direction de la houle etc.) et un point « Bateaux » s’il y en avait. Toutes ces données redétériorées et classées dans l’application sont ensuite analysées et interprétées par les scientifiques dans le but de fournir des études et un suivi des espèces marines dans le sanctuaire, afin de comprendre leur comportement, leur déplacement, leur évolution, pouvoir anticiper leur potentiel déclin… et proposer des actions concrètes pour les sauvegarder.
Retrouvez plus de détails et d’informations sur la mission ici.
4) Quelles sont les espèces que tu as pu observer ?
Au total, nous avons observé une vingtaine de rorquals communs (dont certains concentrés en groupe de 4), de nombreux dauphins bleus et blancs et oiseaux pélagiques, quelques tortues caouannes (4 ou 5), poissons-lunes et raies Diables de mer, une chasse de thons, un saut d’espadon, des méduses Pélagie, de nombreuses vélelles… et malheureusement beaucoup trop de déchets plastiques, des micro déchets aux macro déchets. Nous n’avons pas eu la chance de croiser les cachalots, ni les globicéphales mais étions déjà ravies d’avoir pu observer toutes ces espèces dans leur milieu naturel.
5) Quels sont les moments forts de ton aventure, ce qui t’a marqué ?
Parmi les moments forts de la mission, je retiendrai la première fois où nous avons aperçu à l’horizon le souffle d’un rorqual, l’attente et le suspens provoqués lorsque la bête sonde au fond de l’eau puis ressurgit à quelques mètres du bateau. Bien que nous apercevions le tiers de sa taille soit la dorsale, ce monstre marin mesure en moyenne 20 m de long, c’est très impressionnant !
Autres instants forts en émotions : notre dernière soirée et nuit en pleine mer où 3 raies Diables de mer sont venues danser en ronde près du bateau au coucher du soleil alors que nous étions en train de finir de dîner. Leur apparition était tellement saisissante que nous en avons fait tomber notre plat de tarte aux pommes. Une heure plus tard, lorsque je commençais mon quart de nuit (consistant à surveiller qu’aucun bateau ne vienne nous percuter puisque nous ne pouvions pas jeter l’ancre en pleine mer et que nous dérivions un peu), un rorqual s’est approché pas très loin du bateau. Nous ne l’avons pas vu mais nous entendions son souffle. Le lendemain matin, pour notre dernière journée d’observation, alors que j’étais avec une autre éco-volontaire en train de finir notre petit déjeuner, 3 dauphins bleus et blancs sont venus surfer dans l’étrave du bateau, un spectacle très exclusif que je ne suis pas près d’oublier ! Cela m’a procuré une joie d’autant plus grande car ils évoluent en toute liberté dans leur milieu naturel sans aucune pression de l’Homme.
De façon générale, je retiendrais toutes nos baignades en pleine mer : l’appréhension qu’elles ont suscitée (2500 m de fond sous nos pieds, un monde abyssal et mystérieux rempli de créatures) mais surtout le bonheur de se rafraîchir après de longues heures d’observation en plein soleil. Une fois, on entendait un rorqual au loin souffler alors que nous étions dans l’eau. Magique ! Et je me souviendrais également de tous les bons moments passés avec les autres participantes : fous rires, délires, discussions effrénées à refaire le monde ou confidences sous la voie lactée, débats en tout genre, chuchotis avant de se coucher, ronflements de certains, roulis du bateau pour nous bercer et rêves de baleines, mais aussi plus terre à terre, le ménage, la préparation des repas et la vie en collectivité qui nous ont bien rapprochées. Ce fut une expérience humaine très enrichissante ! L’arrivée à Calvi en Corse, face à laquelle nous avons jeté l’ancre et dormi, constitue également un fabuleux souvenir : coucher de soleil paradisiaque.
Plus négatif, j’ai été interpellée par les nombreux déchets plastiques croisés tout au long de la navigation. Si infimes soient-ils, ils sont omniprésents. J’ai été également très surprise d’assister le dernier jour à des tirs de missile (tirs d’essai sur des cibles posées sur l’eau) émis par un gros navire militaire au large de la côte comme ceux provenant de l’île du Levant (où est implantée une base militaire), à quelques mètres du parc national marin de Port-Cros et de Porquerolles où nous nous dirigions. Les ondes créées par ces tirs ont un réel impact sur le système d’écholocation des mammifères (les dauphins en particulier) et le fonctionnement de leur sonar pour communiquer, se repérer et se déplacer…
1) Citadelle de Calvi en Corse © Emilie P.
2) Arrivée en voilier en Corse © Emilie P.
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